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« Jub, Jubal, Jubanti » : Symbole de discrimination ou d'unité au Sénégal ?

Dans un Sénégal vibrant de sa diversité culturelle et linguistique, le processus de "wolofisation" interpelle tant par son ampleur que par ses implications. Cet engouement pour la langue wolof au sein de l'administration publique et dans les échanges quotidiens soulève une question cruciale de discrimination envers les autres langues et cultures du Sénégal, mettant en lumière un débat profond sur l'unité nationale et le respect de la diversité. La polarisation autour de cette thématique reflète les défis de la cohabitation des identités dans un contexte marqué par la volonté d'harmonisation culturelle et linguistique, soulignant l'importance de trouver un équilibre respectueux de toutes les communautés.

Cet article se propose d'explorer le contexte historique et politique de la "wolofisation", en analysant son impact sur la société sénégalaise et la place qu'occupe la diversité culturelle au sein de cette dynamique. En s'appuyant sur une figure comme le président de la République Mr Bassirou Diomaye Faye, il examinera ainsi les principes du slogan présidentiel "Jub, Jubal, Jubanti" et leur réception parmi la population, tout en évaluant la portée de la discrimination linguistique dans l'administration publique et son influence sur le sentiment d'appartenance nationale.


Cet article vise à éclaircir les enjeux de la wolofisation et son potentiel de discrimination envers les autres langues et cultures du Sénégal, offrant une réflexion sur les voies de conciliation entre identité nationale et diversité culturelle dans le pays.


Contexte historique et politique de la 'wolofisation' au Sénégal

La "wolofisation" au Sénégal est un phénomène qui a pris racine dans un contexte historique et politique spécifique. Depuis l'indépendance en 1960, le wolof s'est imposé comme langue véhiculaire dominante, éclipsant d'autres langues nationales telles que le pulaar, le sérère ou le diola. Ce processus a été influencé par plusieurs facteurs, notamment la prédominance démographique des Wolofs, l'urbanisation croissante et le rôle central de Dakar, où le wolof est majoritairement parlé.

Les politiques linguistiques adoptées par les gouvernements successifs depuis l'indépendance ont également favorisé le wolof, particulièrement dans les domaines de l'administration, de l'éducation et des médias. Toutefois, cette "wolofisation" a suscité des débats et des tensions, certains craignant la marginalisation des autres langues nationales.

Historiquement, le découpage administratif colonial a contribué au démantèlement des royaumes précoloniaux et à l'installation d'un nouvel ordre colonial avec des hiérarchies revisitées. Les Quatre Communes du Sénégal, notamment Saint-Louis et Dakar, ont vu l'émergence d'une politique à modèle européen dès le XVIIIe siècle, favorisant ainsi une culture hybride et une population hétérogène qui a encouragé l'usage du wolof.

Parallèlement, un nationalisme vernaculaire s'est développé, utilisant le wolof comme véhicule, se propageant à travers les réseaux de l'islam soufi, les médias de masse, et l'urbanisation. Ce nationalisme, bien que réussi, a été contesté par les voisins des Wolofs. Les efforts de construction nationale post-coloniale ont tenté de créer des convergences autour de symboles nationaux, mais les politiques linguistiques en faveur des langues nationales ont souvent échoué faute de moyens.

En dépit de ces échecs, le wolof a continué à s'étendre, supplantant même le français dans certains contextes, et sa promotion a été soutenue par des figures telles que le président Senghor, qui a encouragé l'élaboration des alphabets et terminologies sénégalaises. Cependant, le français reste la langue officielle du pays, les langues maternelles étant toujours considérées comme des "langues nationales".

Le wolof, déjà prédominant avant la colonisation, a continué à s'affirmer pendant et après la période coloniale, devenant la langue de la majorité des Sénégalais, y compris ceux d'autres ethnies. Ce phénomène a été renforcé par son utilisation dans les médias et l'administration, soulevant des questions sur l'hégémonie culturelle versus l'unité nationale.

Les principes du slogan présidentiel 'Jub, Jubal, Jubanti'

Le slogan "Jub, Jubal, Jubanti" introduit par le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, incarne des principes de gouvernance visant à renforcer l'intégrité et l'efficacité au sein de l'administration publique sénégalaise. Ce slogan milite pour la transformation envisagée de l'administration afin de la rendre plus performante et plus proche des citoyens sénégalais.


Que veut dire le terme : « Jub »

Le terme "Jub" dans le slogan présidentiel symbolise la droiture et l'intégrité. Il est utilisé pour encourager les fonctionnaires et les agents de l'État à agir avec honnêteté et justice dans l'exercice de leurs fonctions. L'objectif est de garantir que chaque action entreprise par les agents de l'État soit guidée par un souci du bien commun, plaçant les intérêts des citoyens au-dessus de toute autre considération.


Que veut dire le terme : « Jubal »

"Jubal" fait référence à la probité et à l'exemplarité. Ce principe est une invitation à tous les fonctionnaires à être des modèles de conduite dans leur gestion quotidienne des affaires publiques. Il s'agit de promouvoir une culture de responsabilité et de transparence au sein de l'administration, où chaque décision et action doivent être justifiables devant le public et les instances de gouvernance.


Que veut dire le terme : « Jubanti »

Enfin, "Jubanti" évoque le principe de l'excellence et de la performance. Ce terme est un appel à l'amélioration continue des services publics, visant à ériger une administration performante qui répond efficacement aux besoins des Sénégalais. Il souligne l'importance de l'innovation et de l'adaptation dans les méthodes de travail pour atteindre les objectifs nationaux et améliorer le bien-être général de la population.

Ces principes, ensemble, forment un cadre directeur pour la réforme de l'administration publique au Sénégal, visant à instaurer une gouvernance plus éthique, transparente et orientée vers le service du citoyen.


Impact de la Wolofisation sur la culture, la société sénégalaise et la langue

La Wolofisation, en tant que processus d'adoption de la langue wolof comme langue dominante, a eu des conséquences profondes sur la culture et la société sénégalaise. L'influence de cette dynamique s'est manifestée dans divers domaines, notamment dans la langue, l'éducation, ainsi que dans les sphères sociales et économiques du pays.

La généralisation de l'usage du wolof a conduit à une réduction de l'utilisation d'autres langues nationales telles que le sérère, le pulaar ou le diola, mettant en péril leur préservation.


Répercussions sociales et économiques

Sur le plan sociale et économique, la Wolofisation a également eu des répercussions notables. L'omniprésence du wolof dans les médias, les administrations et les espaces publics a encouragé son adoption par une partie croissante de la population sénégalaise, y compris parmi les non-wolofs. Une telle tendance suscite des inquiétudes quant à la préservation de la diversité culturelle et linguistique du Sénégal. Et sur le plan social, la Wolofisation a favorisé une certaine homogénéisation culturelle, au détriment de la diversité ethnique et linguistique traditionnelle du pays. D'un point de vue économique, bien que la Wolofisation ait pu faciliter les échanges commerciaux et les interactions au sein de la population, elle a également créé des inégalités d'accès aux opportunités pour les individus non-wolofs.


Les débats autour de la Wolofisation mettent en lumière une série d'arguments contradictoires. Les recherches indiquent que le wolof s'impose de plus en plus comme langue véhiculaire, non seulement face au français mais aussi face aux autres langues nationales, sans pour autant résulter d'une politique linguistique étatique délibérée. Cette situation soulève des questions quant à la "perte de vitesse du français" et à l'impact de la Wolofisation sur la diversité linguistique du Sénégal.


La distinction entre "wolofisation par le haut", une démarche délibérée de la part du pouvoir visant à favoriser un groupe ethnoculturel spécifique, et "wolofisation par le bas", un processus social spontané et largement involontaire, est cruciale pour comprendre les dynamiques à l'œuvre.


L'imposition culturelle du wolof

Alors que la wolofisation par le haut peut être perçue comme une tentative d'imposer une identité culturelle spécifique, la wolofisation par le bas reflète davantage les réalités sociolinguistiques du pays, où le wolof sert de lingua franca dans de nombreux contextes.

En outre, il est important de distinguer entre la wolofisation linguistique, qui concerne l'accroissement du nombre d'utilisateurs de la langue wolof, et la wolofisation ethnoculturelle, qui se rapporte à la diffusion des valeurs et de l'identité wolof . Cette distinction aide à clarifier les débats et à identifier les sources de tension liées à la Wolofisation, qui ne sont pas nécessairement liées à la langue elle-même mais plutôt aux valeurs et identités qu'elle véhicule.

Dans le contexte de l'expansion de la langue wolof, la formation d'une identité nationale ordinaire au Sénégal, qui n'a pas résulté directement de l'action de l'État, interroge les théories traditionnelles du nationalisme et met en évidence l'émergence d'un "nationalisme banal" dont l'État n'a pas le monopole. Cette nationalisation "par le bas" permet de comprendre l'absence relative de polarisation conflictuelle sur la question de l'identité nationale au Sénégal, suggérant que la Wolofisation pourrait jouer un rôle dans la construction d'une identité nationale inclusive.

L'une des perspectives majeures concerne la publication et la construction de matériels didactiques dans les langues nationales, ainsi que l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) comme leviers pour l'éducation et l'intégration des langues nationales dans l'enseignement secondaire. Cette approche vise à valoriser la diversité linguistique du pays et à faciliter l'accès à l'éducation pour tous les Sénégalais, indépendamment de leur langue maternelle.


Création des laboratoires de langues nationales au sein des universites dans tous les departements

Pour une meilleure prise en charge de la question linguistique, il est proposé de repenser les stratégies actuelles et d'introduire des innovations telles que la capitalisation de l'État, la création des départements universitaires des langues nationales dans toutes les universités du Sénégal, des laboratoires de recherche en langues nationales, et l'intensification de la publication de livres et de dictionnaires dans ces langues. Ces mesures peuvent permettre à renforcer la présence et l'utilisation des langues nationales dans tous les aspects de la vie publique et académique.


Conclusion

La dynamique de la "wolofisation" au Sénégal, à travers ses différentes manifestations, souligne un enjeu majeur de notre époque : la quête d'un équilibre entre l'unification linguistique et le respect de la diversité culturelle et linguistique. La discussion autour du slogan "Jub, Jubal, Jubanti" et de son implication dans l'administration publique sénégalaise, reflète l'aspiration à une société plus intègre et efficace, tout en mettant en lumière les préoccupations quant à l'éventuelle érosion des autres patrimoines linguistiques et culturels du pays.

Face aux défis soulevés, il apparaît nécessaire de poursuivre la réflexion sur les politiques linguistiques et éducatives qui favorisent à la fois l'unité nationale et la diversité culturelle. L'avenir du Sénégal en tant que nation multiculturelle repose sur sa capacité à intégrer toutes ses langues et cultures dans le projet de construction nationale, tout en promouvant l'excellence et l'intégrité comme le suggère le principe de "Jub, Jubal, Jubanti".

Ce faisant, le Sénégal pourrait servir de modèle en matière de cohabitation culturelle et linguistique, reflétant ainsi la richesse de sa diversité au sein d'une vision nationale unifiée et inclusive.


Amadou SYLLA

Militant associatif et Citoyen sénégalais vivant à Paris


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