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Controverses autour de l’Assemblée générale ordinaire de la FSF


L'Assemblée générale ordinaire (AGO) de la FSF, initialement prévue ce 13 juillet 2024, a été reportée suite à une demande du Ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. Cette décision fait suite à des contestations de certains présidents de clubs concernant des irrégularités constatées dans la procédure de convocation. Pour ces derniers, regroupés au sein du collectif des présidents de clubs amateurs, l’irrespect de certaines dispositions statutaires est de nature à les empêcher de faire valoir les droits que leur accordent ces mêmes textes. C’est pourquoi, ils avaient saisi le Ministre de l’intérieur et celui en charge des sports pour exiger la tenue régulière de cette assemblée générale ordinaire.

*Sans préjuger de la régularité ou non de la convocation de l'AGO de la FSF, il convient de s'interroger sur la légalité de l'intervention du ministre des Sports dans ce processus*. En effet, les fédérations sportives, même lorsqu'elles sont délégataires de service public, jouissent d'une certaine autonomie dans leur fonctionnement interne. Le cadre légal régissant les relations entre le ministère et la FSF doit être examiné attentivement pour déterminer si le ministre dispose de prérogatives lui permettant de suspendre une assemblée générale, ou si cette décision relève plutôt de la compétence des juridictions compétentes en matière sportive.


*Analyse de la régularité de la convocation à l'Assemblée Générale Ordinaire de la FSF et ses manquements potentiels*


Les dispositions statutaires régissant la FSF déterminent avec clarté les modalités de la convocation à l'AGO annuelle de l’association (A). Celles-ci doivent être analysées en détail pour déterminer si les procédures prescrites ont été respectées. Cet examen permettra d'identifier d'éventuels manquements aux exigences statutaires (B).


*A. Analyse de la régularité de la convocation*


Toute organisation, qu'elle soit une entreprise, une association ou une autre entité, a besoin de tenir régulièrement une assemblée générale pour assurer son bon fonctionnement et sa pérennité. Cette réunion statutaire permet aux membres de l'organisation de se rassembler, d'échanger sur les activités passées, d'approuver les comptes et de discuter des perspectives d'avenir. L'assemblée générale est donc un moment clé dans la vie d'une organisation car elle favorise la participation et l'implication de ses membres. C’est aussi souvent des moments de tension et dissensions entre les membres qui interpellent l’opinion publique.

Afin d’en assurer la tenue régulière et éviter tout risque de contestation, il est important d’en respecter les conditions prescrites pour sa tenue. S’agissant de la FSF, il faut interroger les dispositions des articles 28 et 29 des Statuts de la FSF pour s’assurer que les conditions requises ont été respectées ou non. L’article 28 prévoit qu’elle est tenue chaque année une assemblée générale ordinaire et que la date et le lieu prévus pour la tenue de celle-ci est portée à la connaissance des membres au moins 60 jours avant. Cependant, la convocation formelle à l’assemblée générale se fait par écrit au moins quinze jours (15) avant la date prévue pour sa tenue. Cette convocation est accompagnée entre autres de l’ordre du jour, du rapport d’activité du Président, des comptes annuels et du rapport de l’organe de révision et d’autres documents éventuels.

L’article 29 quant à lui prévoit les modalités dans lesquelles l’ordre du jour de l’assemblée générale est établi. Cette tâche incombe au Secrétaire général de la FSF qui l’élabore sur la base des propositions des membres du Comité exécutif et de l’Assemblée générale. Toutefois, les propositions émanant des membres de l’assemblé générale doivent être motivées et envoyées au moins 30 jours avant la date prévue de l’AGO. En règle générale, les points de l’ordre du jours sont statutaires et sont énumérés dans cet article. Il peut y avoir des points en plus ou en moins selon qu’il est question de renouveler les mandats ou non.

La régularité de la tenue de l’assemblée générale ordinaire dépend du respect des dispositions des articles 28 et 29 des statuts de la FSF. La mise en œuvre de ces dispositions ne doit pas occulter les droits reconnus aux membres.


*B.Manquements de la convocation à l’AGO de la FSF*


Les conditions de la régularité de l’AGO trouvent leur siège dans les dispositions des articles 28 et 29 précitées. Si on confronte les faits à ces dispositions, nous nous rendrons compte qu’il y a eu effectivement des manquements ayant mêmes affectés le droit des membres de l’Assemblée générale. En effet, en n’informant pas ses membres de la tenue de l’AGO deux mois avant la date prévue pour l’AG comme indiquée par les textes, notamment le point 2 de l’article 28 des Statuts, la FSF a manqué à une obligatoire statutaire dont la violation impacte les droits des membres de la FSF. L’article 13.1 des statuts dispose que quelques-uns des droits des membres est « participer à l’Assemblée Générale de la FSF, connaître à l’avance l’ordre du jour d’une Assemblée Générale, y être convoqué dans les délais et y exercer le droit de vote ; formuler des propositions concernant les points à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale ».

Ce même article émet des restrictions à la mise en œuvre de ces droits en disposant que « L’exercice de ces droits est soumis aux réserves découlant des autres dispositions des présents Statuts et règlements applicables ». Il est donc clair que les craintes du collectif des clubs amateurs étaient de ne pouvoir faire des propositions à porter à l’ordre du jour de l’AG dans la mesure où ils ne pourraient le faire, en appliquant strictement les statuts, en deçà d’un délai de 30 jours avant l’AGO. En effet, la convocation a été envoyée aux membres le 24 juin 2024 par courriel soit 19 jours avant la date de l’AGO initialement prévue le 13 juillet 2024. Pour le collectif, du fait de ce manquement, « il (leur) est dorénavant impossible de formuler des propositions dans les délais statutaires, sans transgresser les obligations des membres, notamment le respect des dispositions statutaires prévues à l'article 14.a ». Par ailleurs, la FSF a également manqué à son obligation de communication des documents relatifs à la tenue de l’AG comme exigée par l’article 28.3 des statuts de la FSF.

Il s’agit là de manquements susceptibles d’impacter négativement la régularité de l’assemblée générale. Mais le réel problème que cette situation soulève est l’intervention des autorités de tutelles dans le fonctionnement interne des fédérations sportives mêmes s’il est vrai que celle-ci fait suite à une demande d’arbitrage de la part de certains acteurs du football.


*II. La question de la légalité de l'intervention du ministre des Sports*


C’est par courriel adressé à différentes autorités que le Ministre en charge des sports a fondé sa décision de suspension de l’AGO de la FSF. En effet, les membres du Collectif des clubs amateurs ont conclu leur lettre en ces termes « nous comptons sur votre intervention pour que l'AGO convoquée le 13 juillet 2024 soit reportée, jusqu'à ce que tous les préalables statutaires soient satisfaits et que les conditions idoines pour la tenue d'une AGO régulière» ». Par lettre référencée n°00731/MJSC/DGJ/SP, Madame le ministre a demandé à la FSF la suspension de l’AGO de l’exercice 2023 « afin de prendre les dispositions nécessaires pour sa tenue régulière ». La question qui se pose est de savoir d’où le Ministre en charge des sports tient-il le pouvoir de s’immiscer dans le fonctionnement interne des fédérations sportives et, de surcroit, d’enjoindre à la FSF de reporter la tenue de son AGO ?

L’analyse du cadre légal permet de soutenir que la décision du ministre manifeste un excès de pouvoir en ce sens qu’il n’était pas compétent pour se prononcer sur cette question (A). Cette décision relevait normalement de l’autorité judiciaire (B).


*A.L’incompétence du Ministre des sports*


Considéré comme un service public, l’activité sportive relève de la compétence de l’État. Il est chargé d’en assurer la promotion, la gestion et le contrôle. Néanmoins, l’État peut déléguer à des organises de droit public ou privé, ces missions. Ainsi, pour chaque discipline sportive, le Ministre des sports délègue ses pouvoirs à une fédération sportive dans des domaines bien définis. Ces fédérations sont des associations régies par les dispositions des articles 811 et suivants du COCC et du décret 76-040. Elles bénéficient d’une certaine autonomie à l’égard de l’État. En France, il est expressément indiqué qu’elles exercent leurs activités en toute indépendance. Les décisions qu’elles prennent peuvent être considérées comme des décisions administratives lorsqu’elles s’inscrivent dans les limites de la délégation et manifestent la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique (Arrêt FIFAS 1974 en France, Arrêt Dial Diop 1994, Sénégal).

C’est l’arrêté 10238 fixant les conditions d’octroi et de retrait de la délégation de pouvoirs aux fédérations et groupements sportifs du 31 décembre 2003 qui énumère les domaines concernés par la délégation et ceux qui en sont exclus. La tenue d’une assemblée générale ne fait pas partie des compétences déléguées, elle s’inscrit dans le fonctionnement normal de toute association. En cas de manquement à des dispositions statutaires comme c’est le cas avec cette convocation irrégulière de l’AG de la FSF, il y a des institutions habilitées à constater ces manquements et à les faire cesser au besoin. Il n’est donc pas de la compétence du Ministre en charge des sports de constater ces manquements d’autant plus cette question ne relevait pas des compétences déléguées. Même s’il s’agissait d’une compétence qu’elle aurait déléguée, le ministre n’a légalement pas les moyens d’y remédier sauf à les porter devant la juridiction compétente.


*B.La compétence normale des tribunaux étatiques*


Dans cette affaire, nous avons relevé que le collectif des clubs amateurs n’a pas saisi les autorités judiciaires. Il a préféré saisir les Ministres en charge de l’Intérieur et du sport plutôt que la juridiction étatique compétente. En principe, les tribunaux sénégalais étaient mieux habilités à trancher ce conflit. Car, ils sont investis de ce pouvoir. S’agissant de cette question en particulier, c’est le TGI, juge de droit commun de toutes les matières que la loi n’a pas confié à d’autres juridictions ou organismes administratifs indépendants que le collectif devait saisir et non mes autorités administratives qui ne sont pas compétentes.

Cette situation remet à l’ordre du jour la question des clauses de juridictions exclusives contenues dans les textes de certaines fédérations sportives, notamment de la FSF. En effet, ces clauses manifestent la volonté des organisations sportives d’interdire l'intervention des tribunaux étatiques ordinaires dans le règlement des litiges sportifs. Elles ont un réel effet dissuasif, sans être légales, sur les différents acteurs du sport qui oublient même que l’accès au juge leur est garanti par plusieurs instruments nationaux et internationaux.

Ce n’est pas la première fois que des affaires normalement justiciables des juridictions sénégalaises sont soumises à des organes qui n’ont pas compétence pour en connaitre. La réforme prochaine du Code du sport devrait s’intéresser au règlement des litiges liés à l’activité sportive. Malheureusement, la version à notre disposition occulte cette épineuse question.


Alpha NABE

Manager sportif

Juriste

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